Cinéma européen, le yéti de Bruxelles

Cédric Klapisch discussing his work with Cineuropa's Domenico La Porta
SAA/Europa Distribution

A Bruxelles, dans les instances européennes, nous discutons beaucoup de cinéma européen : cette créature dont tout le monde parle mais que personne n’a rencontrée et qui fait l’objet de nombreux débats économiques ou juridiques qui laissent finalement peu de place à l’expression du talent de nos auteurs, à leurs idées, à leur vision.

Face à ce paradoxe, nous avons décidé de mettre sur pied des rencontres avec les cinéastes d’aujourd’hui, ceux qui font le fameux cinéma européen. En donnant la parole aux auteurs à Bruxelles, capitale de l’Europe, nous permettons aux décideurs politiques européens de comprendre, à travers chaque parcours individuel, ce que c’est que faire un film, écrire un scénario, les années que les auteurs passent sur un projet, les combats qu’ils doivent mener pour convaincre des financiers d’investir, les succès, les creux de carrière, l’importance des droits qui les relient à l’œuvre et nourrit leur liberté, la nécessaire persévérance et le désir toujours renouvelé de raconter des histoires.

Nous avons reçu le 18 mars 2014 dans le cadre de ces « Rendez-vous du cinéma européen » le réalisateur français Cédric Klapisch. Devant une salle comble de professionnels et politiques invités et de public anonyme, Cédric nous a parlé de son cinéma, de ses choix, de ses rêves, mais aussi du cinéma européen : de cette difficulté commune aux auteurs européens à faire exister des films dont la commercialité n’est pas inscrite dans le synopsis, qui ne sont pas conçus en termes de rentabilité. Pour exister, ces projets doivent rencontrer des producteurs et financiers qui vont faire confiance à l’intuition de l’auteur sans la dénaturer et qui vont lui permettre de rencontrer le public.

Cédric Klapisch a expliqué que personne ne voulait financer L’Auberge espagnole au départ (à l’arrivée, plus de 5 millions de spectateurs en Europe). Cette difficulté des producteurs et financiers à faire confiance aux auteurs l’a poussé à devenir lui-même producteur. C’est bien sûr une question de contrôle artistique, a-t-il expliqué, mais surtout de liberté : « La notion la plus importante pour moi en tant que créateur est la liberté. On cède beaucoup trop de choses quand on cède ses droits ».

Cédric Klapisch nous a aussi parlé d’Europe. Ce thème dominant de L’Auberge espagnole est le reflet d’une de ses préoccupations majeures d’auteur, avec celle de la culture. Le combat européen est très complexe à vendre. Il reste un gros travail de communication à faire sur les enjeux européens selon Cédric Klapisch. C’est sur le terrain de la culture que l’Europe peut faire la différence. L’échelle européenne, il en est convaincu, est le niveau de décision approprié pour les bouleversements que vit le secteur audiovisuel. Des décisions politiques importantes doivent être prises pour que le cinéma européen continue d’exister. L’intégration de tous les opérateurs, notamment les plateformes internet, dans la chaîne de financement du cinéma est indispensable pour continuer à produire des œuvres de qualité en Europe.

Ce témoignage, cet échange d’un auteur avec le public européen de Bruxelles représente une opportunité incroyable pour ceux qui font les politiques européennes dans les domaines de la culture, de l’audiovisuel et du droit d’auteur. Que ceux qui ont raté ce moment rare se rassurent, la vidéo est sur internet !