Le citoyen européen et le droit d’auteur

Je ne fais pas mienne la citation de Winston Churchill : « The best argument against democracy is a five-minute conversation with the average voter » (Le meilleur argument contre la démocratie est un entretien de cinq minutes avec un électeur moyen).

Et je ne pense pas non plus que cette citation a traversé l’esprit de ceux qui ont imaginé la nouvelle consultation publique de la Commission européenne sur la révision des règles de l’Union européenne en matière de droit d’auteur.  D’ailleurs, la discussion avec le citoyen moyen, vous et moi, risque de durer bien plus longtemps, car avaler les 80 questions puis y répondre demande plus que des efforts, un entraînement, une formation, pas mal de temps libre et surtout une parfaite connaissance de l’anglais. Le citoyen moyen risque de se faire porter pâle avant d’arriver à la fin du questionnaire. Il risque surtout de prendre peur en imaginant que son bulletin de vote aux prochaines élections européennes pourrait ressembler à ce questionnaire, avec des questions dans une langue étrangère et aucune chance de s’en sortir en cochant seulement une case YES ou NO ; ou en imaginant recevoir ensuite d’autres questionnaires de 80 questions sur la politique agricole commune, les services publics, la fiscalité, la procréation médicalement assistée. Pourtant, le citoyen moyen, vous et moi, aura tort, car toute démarche démocratique est à saluer, surtout par les temps qui courent et au nom de ceux qui luttent pour la démocratie.

On nous écoute. Parlons. Rêvons-nous l’espace d’un instant un citoyen européen que les fonctionnaires européens écouteraient.

Car les auteurs et les créateurs sont aussi des citoyens, mais les fonctionnaires européens ne les écoutent pas. Ils ne semblent pas porter un très grand intérêt à la diversité culturelle et se satisfont à peine de la richesse et des emplois que les auteurs créent puisqu’ils l’attribuent semble-t-il à d’autres intermédiaires, qui eux sont écoutés (et répondent aux questionnaires de 80 questions). Et ne parlons pas de l’idée que se font les fonctionnaires européens du beau et de l’imaginaire que nous offrons au public lorsque nous ne passons pas notre temps à répondre à des questionnaires…

Notre art et nos droits ne se réduisent pas à un questionnaire, mais il nous suffit de parler sincèrement et honnêtement, répondre à une seule question s’il le faut, parce que nous sommes des créateurs et des citoyens, parce que nous avons un esprit (très) critique, que nous refusons de voir nos droits confisqués, que nous sommes conscients et responsables et parce que jeter un œil à ce questionnaire sera un bon entraînement avant la prochaine consultation démocratique, Les élections au Parlement européen par exemple.

Yves Nilly

Auteur, scénariste, Président de Writers & Directors Worldwide, conseil de créateurs de la CISAC