A la rencontre de nos membres: la SSA en Suisse

Jürg Ruchti, CEO of the SSA

En 2020, les cinéastes auront désormais en Suisse un droit à rémunération obligatoire et auquel il ne peut être renoncé, géré collectivement, pour l’exploitation de leurs œuvres par les services de vidéo à la demande.

Cette nouvelle législation est le fruit d’une décennie de lutte des sociétés de gestion collective (SGC) des auteurs audiovisuels en Suisse pour convaincre les décideurs politiques que les auteurs audiovisuels méritent un partage équitable du succès des œuvres en ligne. J’ai parlé à Jürg Ruchti, Directeur de la SSA afin d’en savoir plus.

La SSA est un membre fondateur de la SAA. Elle gère les droits de plus de 3 000 auteurs pour leurs œuvres audiovisuelles, dramatiques et chorégraphiques depuis le milieu des années 1980. La SSA gère les droits de radiodiffusion et de communication au public, ainsi que les droits de reproduction qui lui ont été cédés par ses auteurs. La SSA possède un fonds culturel, un fonds de solidarité servant au soutien des membres en difficulté, ainsi qu’une institution de prévoyance pour ses membres.

Un droit à rémunération obligatoire

Le 27 septembre, le Parlement suisse a voté la révision de la loi fédérale sur le droit d’auteur qui accorde aux auteurs et aux artistes-interprètes un droit à rémunération obligatoire géré collectivement pour l’exploitation de leurs œuvres par les services de vidéo à la demande. C’est une nouveauté majeure pour les auteurs en Suisse qui ont du mal à valoriser leur droit de mise à disposition du public dans leur contrat de production.

M. Ruchti se réjouit de l’adoption de la nouvelle loi mais reste toutefois prudent quant à l’interprétation qui en sera faite. La loi ne s’appliquera qu’en Suisse et que pour les œuvres suisses, ainsi que pour les œuvres étrangères dont le pays de production applique un droit similaire. Elle ne s’applique pas à la totalité des catégories d’œuvre, puisqu’elle exclut par exemple les œuvres journalistiques, ainsi que les auteurs et compositeurs de musique de film qui bénéficient déjà de la gestion collective de leurs droits sur la base de leur droit exclusif.

Il existe cinq sociétés de gestion collective en Suisse, lesquelles sont soumises au contrôle de l’Institut Fédéral pour la Propriété Intellectuelle. « Cela a été une source de confiance pour le Parlement au moment de l’adoption du nouveau droit à rémunération en gestion collective obligatoire » explique M. Ruchti. Une SGC est désignée comme guichet unique pour les utilisateurs et perçoit les droits pour le compte de toutes les autres.

Le processus ayant conduit à l’adoption de cette loi

Tout a débuté en 2010 lorsqu’un Membre du Parlement a soulevé le problème du téléchargement illégal. Un rapport gouvernemental a conclu par la suite qu’aucune action n’était nécessaire, ce qui a irrité le secteur créatif. Un Ministre a alors pris l’initiative de former un groupe de travail représentant toutes les parties prenantes, des utilisateurs, producteurs, et consommateurs aux artistes et SGC. La SSA, SUISSIMAGE et SUISA ont travaillé en équipe et ont activement contribué au groupe de travail, ainsi que soumis leur contribution à la consultation publique. Dix ans plus tard, une nouvelle loi est en place. Le piratage, qui était à l’origine de l’initiative, est resté un sujet parmi tous les défis auxquels est confronté le droit d’auteur dans l’économie numérique. La loi s’est finalement concentrée sur la modernisation du droit d’auteur à l’ère numérique, notamment en obligeant les services de vidéo à la demande à payer des droits aux auteurs pour l’utilisation de leurs œuvres.

Les clés du succès

Un élément clé de ce succès fut que les producteurs audiovisuels ont depuis longtemps accepté la gestion collective des droits des auteurs en Suisse comme un moyen légitime (pour ne pas dire le seul) de faire valoir les droits auprès des utilisateurs. Ce fut également grâce à une pédagogie infatigable dans le débat public pour expliquer ce que sont les droits des auteurs, et à une approche donnant-donnant dans le processus législatif. Les SGC n’ont eu de cesse d’expliquer comment fonctionne le droit d’auteur et pourquoi les paiements forfaitaires sont inéquitables pour les auteurs. « Quand une œuvre a du succès, Il existe souvent un écart considérable entre le budget de production et les revenus générés par la suite. Le résultat final est également un compromis incluant l’introduction de nouvelles exceptions au droit d’auteur pour le data mining et les archives » explique M. Ruchti.

Le processus pour parvenir à imposer un droit à rémunération aux plateformes de vidéo à la demande a été difficile à cause de nombreuses rumeurs selon lesquelles le droit d’auteur allait tuer l’internet. « Dans ces circonstances, la nouvelle loi est un grand succès, mais en réalité, elle n’est que l’application du droit des auteurs à l’économie numérique », conclut M. Ruchti.

A l’avenir, le changement de la loi assurera aux cinéastes une rémunération pour l’exploitation de leurs œuvres. Les plateformes qui offrent des services de vidéo à la demande en Suisse devront désormais obtenir une licence des SGC représentant les auteurs audiovisuels. « De nouveaux opérateurs ont annoncé leur lancement dans les prochains mois. En d’autres termes, c’est le bon moment », conclut M. Ruchti.

 

@aryngbeck 

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